Lundi 17 et Mardi 18 Décembre 2012
Centre Pompidou, Grande Salle
Entrée libre sur inscription :http://www.capdigital.com/evenements/enmi/
La question du savoir et de l’éducation est au cœur des grands enjeux nationaux et internationaux de cette rentrée. Pour leur 6ème édition, les Entretiens du nouveau monde industriel porteront sur le thème des technologies de la connaissance. Ce thème et celui de l’organologie des savoirs constituent les bases du projet Digital Studies conduit par l’IRI et ses partenaires.
Le but de ce colloque est d’appréhender la question des digital humanities à partir de la question plus large et plus radicale des digital studies conçues comme une rupture épistémologique généralisée – c’est à dire affectant toutes les formes de savoirs rationnels – , mais aussi comme une rupture anthropologique – dans la mesure où, à travers les technologies relationnelles, ce sont aussi les savoirs empiriques sous toutes leurs formes, tels qu’ils constituent la trame de toute existence humaine, qui sont altérés.
Pour ce qui concerne l’Iri, l’ENSCI-Les Ateliers, Cap Digital et les partenaires associés à cette édition, cette approche «organologique» d’essence théorique vise à fournir des méthodes pour des activités pratiques de conception, de prototypages, de réalisation et d’expérimentation des instruments de recherche contributive, de production collaborative et de diffusion des savoirs dans la recherche, dans les enseignements supérieur et secondaire, et dans les entreprises comme dans l’ensemble de la société. Une telle ambition pratique impose sans doute de repenser en profondeur les liens entre politique culturelle, politique éducative, politique scientifique, politique industrielle, politique des médias et citoyenneté.
Lundi 17 Décembre
9h30 – 13h
Session 1 : Le numérique comme écriture et la question des technologies intellectuelles
Les questions que le numérique pose à la science ne sont pas entièrement nouvelles : elles prennent corps à partir d’un fonds que l’on peut faire remonter au moins à l’apparition de l’écriture dans le monde antique, c’est à dire aussi à la configuration du savoir académique – entendu ici au sens où il fait référence à l’académie de Platon. Ces questions, en mobilisant aujourd’hui aussi bien les historiens du savoir que les neurosciences, font apparaître que le devenir du cerveau semble être indissociable de celui des supports artificiels qui constituent les savoirs.
Intervenants : Bernard Stiegler (IRI), Maryanne Wolf (Tufts University), David Bates (University of Berkeley), Nathalie Bulle (Cnrs), Warren Sack (University of Santa Cruz)
14h30 – 16h
Session 2 : Théories et pratiques de l’épistémologie dans les sciences de l’homme et de la société à l’époque du numérique
Issu de la technologie informatique, le numérique transforme aujourd’hui en profondeur aussi bien les pratiques que les objets des sciences de l’homme et de la société. C’est dans ce contexte qu’émergent des programmes et des départements d’humanités numériques (digital humanities) où la question d’une nouvelle épistémologie des instruments semble s’imposer, cependant que la publication des data et l’ouverture des savoirs, faisant apparaître des pratiques inédites de recherche contributive, rouvre à nouveaux frais le dossier du rapport entre le monde académique et son dehors.
Intervenants : Dominique Cardon (Orange Labs), Jean Lassègue (CREA-Polytechnique), Pierre Mounier (CLEO)
16h30 - 18h
Session 3 : Software studies, digital humanities, digital studies
De même que Foucault avait mis l’étude des traces et technologies de l’archive qui constituent toute épistémè au coeur de son projet d’archéologie des savoirs, les software studies, qui explorent la question de l’algorithme, et qui sont largement inspirées par les questions, les hypothèses et les pratiques du free software, se sont développées entre informatique théorique, pratiques artistiques et projet social. Pendant ce temps, le paradigme des digital humanities s’est imposé un peu partout dans le monde. Mais est-il possible de questionner le numérique dans les sciences de l’homme et de la société sans le faire aussi dans les sciences mathématiques, les sciences physiques, les sciences de la vie, etc. ? Quel est alors le statut des savoirs matérialisés et appareillés par le numérique, notamment par la modélisation et la 3D et dans tous les domaines de la vie au regard des sciences de la cognition ?
Intervenants : Matthew Fuller (Goldsmiths College), Bruno Bachimont (UTC), Pascal Daloz (Dassault Systèmes, sous réserve)
Mardi 18 décembre
9h – 10h30
Session 4 : Extended mind et tracéologie numérique
Il y a plus de vingt ans, les questions posées en sciences de la cognition par les instruments du savoir et leur extériorité par rapport au corps et à la conscience – aussi bien d’ailleurs que par rapport à l’inconscient– ont été posées notamment à travers les paradigmes de la cognition située et de l’esprit étendu (extended mind). Aujourd’hui, dans le contexte de la tracéologie généralisée induite par les capteurs, cookies, métadonnées, social web, etc., et au moment où les neurosciences commencent à s’intéresser aux formes anciennes et récentes d’extériorisation des savoirs par rapport au corps et donc au cerveau, s’impose la question de la trace sous toutes ses formes (vivantes, neuronales, techniques, institutionnelles, etc.), les processus d’extériorisation et d’intériorisation entre ces diverses instances devant être analysées en détail.
Intervenants : Ed Cohen (Rutgers University), Alain Mille (Liris/Cnrs), Yannick Prié (LINA, Université de Nantes)
11h15 – 13h15
Session 5 : Technologies industrielles de la connaissance et individuation collective
La numérisation généralisée affecte désormais massivement toutes les formes de savoirs, pratiques et théoriques, de la vie quotidienne aux mondes académiques. En pénétrant tous les milieux symboliques, elle installe l’industrialisation et la monétisation dans toutes les dimensions de la relation sociale en mettant en oeuvre des technologies de transindividuation qui modifient le devenir de la langue et plus généralement les processus d’individuation collective, cependant que le nouvel espace de publication que constitue le web forme pour les institutions de savoirs leur chose publique – leur res publica : leur «république du numérique».
Intervenants : Frédéric Kaplan (EPFL), Harry Halpin (IRI), Alain Giffard (Ministère de la Culture), Christian Fauré (Ars Industrialis)
14h30 - 16h30
Session 6 : Enjeux industriels
Industries culturelles, médias de masse, édition connaissent une très profonde révolution où tous les modèles antérieurs sont à plus ou moins brève échéance voués à disparaître. Cela affecte directement les télécommunications aussi bien que les équipementiers électroniques. Dans le monde audiovisuel, l’éditorialisation doit être repensée en profondeur, cependant que le métier même de diffuseur est appelé à régresser au profit d’une nouvelle forme d’activité éditoriale. Des activités comme la lecture et l’écriture, qui ne peuvent plus être conçues indépendamment des liseuses et des réseaux sociaux, nécessitent de nouveaux instruments de travail individuel et collectif où se généralisent les langages d’annotation – qui supposent de nouvelles normes industrielles. Dans cette économie relationnelle, la question de la valorisation des externalités positives, qui deviennent une fonction économique cruciale, nécessite de nouveaux critères en matière de fiscalité.
Intervenants : Bruno Patino (France Télévisions), Jean-Luc Beylat et Jean-Baptiste Labrune (Alcatel Bell Labs), Michel Calmejane (Colt Technologies), Jean-Marc Merriaux (CNDP)
16h45-18h45
Session 7 : Design, documentation, écriture et thérapeutique du pharmakon numérique
Les pratiques de la lecture et de l’écriture numérique sont désormais la réalité quotidienne aussi bien des documentalistes de l’enseignement secondaire que des écrivains, cependant que le monde artistique, en faisant de la digitalisation son matériau, investigue la nouvelle « pharmacologie » et ses « thérapeutiques ». L’esthétique peut ici contribuer aux digital studies en revisitant à partir des pratiques instrumentales des questions comme celles de l’attention, de la perception, de l’individuation à travers les oeuvres, de l’expression, cependant que l’expérience des designers et des techniciens de la documentation viennent au premier plan.
Intervenants : Sophie Pène et Yves Rinato (ENSCI), Cécile Portier (écrivain), Marcel O’Gorman (University of Waterloo), Jean-Louis Fréchin (ENSCI)